L’hiver dure longtemps au Québec, mais bon nombre de parcs et d’autres espaces publics sont fermés ou très peu fréquentés. Or, les investissements dans ces espaces sont souvent importants et justifieraient qu’on en améliore l’accessibilité dans sa dimension temporelle. Il faudrait, autant que possible, offrir des lieux et des équipements de loisir toute l’année, ceux-ci pouvant varier selon la saison. En hiver, les enfants n’en ont pas moins besoin de bouger, leur développement ne s’arrête pas pendant la froide saison. L’hiver présente un défi particulier pour les services publics en loisir, car les conditions de pratique des activités en plein air sont complètement différentes et les impératifs de sécurité sont spécifiques à la saison.

La plupart des espaces de jeu dans les parcs ne sont pas réellement conçus pour un usage quatre-saisons et la préoccupation d’offrir d’autres espaces de jeu en plein air pour les enfants en hiver n’est pas très présente. En fait, les programmations hivernales au niveau municipal incluent généralement des activités familiales, des carnavals ou autres fêtes d’hiver, il y a des patinoires réservées au patinage et au hockey libre, mais c’est loin d’être spécifique aux enfants. Il n’y a pas, le plus souvent, d’équivalent hivernal aux espaces de jeu libre dans les parcs pour les groupes d’âge plus jeunes.

Les aires de jeu dans les parcs doivent-elles être fermées?

Y a-t-il moyen d’offrir des aires de jeu libre et des structures de jeu dans les parcs ouvertes toute l’année? En ce qui concerne particulièrement les équipements ou modules de jeu, la réponse est : difficilement!

L’Institut québécois de la sécurité dans les aires de jeu s’est penché sur la question pour notamment conclure qu’« il faut éviter d’utiliser les modules de jeu lorsque les surfaces absorbantes sont gelées, car il en va de la sécurité des tout-petits ».

La norme CSA Z614 en matière de sécurité qui s’applique aux équipements de jeu a en effet des limites. Ses dispositions sont valables quand il n’y a pas de neige et qu’il ne gèle pas, mais l’hiver les conditions sont différentes :

  • les surfaces absorbantes pour amortir les chocs à la suite de chutes durcissent quand elles gèlent et ne jouent plus leur rôle;
  • les vêtements d’hiver gênent les enfants : des cordons ou des attaches peuvent se coincer dans des éléments de module, causant des fractures ou des étouffements;
  • les mitaines empêchent de bien s’agripper ou d’assurer des prises solides;
  • toute peau nue qui se colle à une surface métallique gelée risque d’être arrachée;
  • la neige, la glace ou la pluie verglaçante peuvent rendre les surfaces de jeu, les poignées et les échelles très glissantes, causant des chutes et des fractures ou d’autres traumatismes;
  • les matières synthétiques des vêtements d’hiver, comme le nylon, diminuent la résistance au glissement, en particulier dans les glissoires en plastique; elles peuvent augmenter la vitesse de la descente et rendre l’arrivée dangereuse, surtout si le sol est gelé.

À ces raisons de sécurité peuvent s’ajouter des raisons de praticabilité des accès, de difficultés d’entretien et de surveillance.

Faut-il pour autant fermer toute l’aire de jeu? Pas nécessairement, car une aire de jeu libre n’a pas nécessairement besoin d’équipement.

L’aménagement de zones dans les aires de jeu est le meilleur moyen de répondre aux besoins multiples de développement des enfants, mais ces zones ont été conçues avant tout pour la pratique d’activités ludiques en été ou, du moins, par temps clément et à des températures estivales. Ces zones ne sauraient donc être tout à fait les mêmes durant l’hiver, mais il est permis de concevoir des zones répondant à divers besoins. Ainsi pourrait-on avoir :

  • Une zone de création : pour que les enfants puissent développer leur motricité fine (oui, même avec des mitaines) et leur imagination. Matériau principal : la neige! Faire des bonhommes de neige, mais fabriquer aussi toutes sortes de structures, tracer des plans d’une maison imaginaire dans la neige, construire un fort (un classique), etc.
  • Une zone physique : pour que les enfants puissent bouger en tous sens : se rouler dans la neige, sauter, ramper, faire l’ange, lancer des boules de neige. Il faut surtout qu’il y ait un talus où ils pourront glisser. Et pourquoi pas une patinoire à surface restreinte : sur un bassin ou un étang gelé par exemple?
  • La zone jardin peut avoir pour équivalence tout ce que la nature en hiver peut offrir aux enfants comme découvertes. La nature est en effet une source d’apprentissage en toute saison. Pourquoi n’y aurait-il pas des mangeoires ou des abreuvoirs pour oiseaux que les enfants pourraient observer et identifier? Y a-t-il des fruits séchés dans les arbres qui peuvent servir de nourriture aux oiseaux et aux petits mammifères? Les enfants peuvent suivre facilement des pistes d’animaux qu’ils apprendront à identifier.

La présence de sentiers pour relier les zones fournira d’autres possibilités de bouger, et autant pour les accompagnateurs des enfants que pour ceux-ci : promenade en traîneau ou en traîne sauvage, marche à pied, en raquettes ou en skis de fond… De plus, les sentiers offrent un contact plus étroit avec la nature qui enrichit l’expérience de plein air.

Ces zones peuvent être aménagées ailleurs que dans les parcs si d’autres espaces s’y prêtent.

La mise à disposition de matériel est aussi un élément important à considérer dans l’offre. Par exemple, dans les parcs où il y a un chalet et un surveillant, on peut offrir la possibilité d’emprunter sur place des patins, des équipements de gardien de but pour enfants, des accessoires de ballon-balai, des bâtons et anneaux de ringuette, des cibles servant de but de hockey, des luges ou même des petits équipements pour jouer dans la neige.

Étonnamment, les enfants risquent moins de souffrir du froid que les adultes qui les accompagnent. Ils sont généralement vêtus correctement et bougent davantage que leurs accompagnateurs. Le risque est en fait qu’ils aient trop chaud et qu’ils transpirent, puis qu’ils refroidissent ensuite et ressentent alors les effets du froid. Il appartient naturellement à leurs accompagnateurs de prévenir ou de corriger cette situation.

Du point de vue des autorités publiques, l’important est surtout d’assurer la sécurité des lieux, entre autres :

  • Aire de glissade : vérifier surtout qu’il n’y a pas d’obstacles sur le parcours (souches, roches, arbres, véhicules, etc.).
  • Plan d’eau gelé : s’assurer que la glace a l’épaisseur voulue pour supporter le poids des personnes qui viendront y faire des activités , repérer les fissures et autres secteurs dangereux pour établir un périmètre sécuritaire.

Selon le type de parc, il pourrait être avisé :

  • d’offrir un abri chauffé (cabane, chalet, caravane…) à proximité : les enfants pourront s’y réfugier en cas de début d’engelure ou s’ils ont trop froid;
  • d’offrir de l’eau potable, car les enfants doivent boire quand ils font des activités énergiques en plein air l’hiver, même s’ils n’ont pas très soif. (Les enfants devraient d’ailleurs s’habituer à apporter eux-mêmes des bouteilles d’eau pour se désaltérer.)

Les aires de jeu pourront être fermées quand les conditions météo sont nettement défavorables : quand il fait moins de -20 oC ressenti (sous l’effet éolien), par temps de blizzard ou de poudrerie, sous la pluie verglaçante ou quand la neige devient trop mouillée par suite d’un redoux.

Références

Regroupement des centres de la petite enfance de la Montérégie (RCPEM), Chartes de température et règles de base

Environnement Canada, Le refroidissement éolien – Un fait qui donne le frisson, 2010

Association québécoise du loisir municipal, Aires de glissade – Guide d’aménagement et de gestion, 2006

Croix-Rouge canadienne, Sécurité sur la glace

Novembre 2018