Le recours à la fabrication de neige s’est imposé surtout pour deux raisons : l’allongement de la durée de la saison (ouverture plus hâtive des installations et fermeture plus tardive) et les impératifs de sécurité. La sécurité accrue de la neige de culture tient au fait que sa masse volumique (400 kg/m³) est plus élevée que celle de la neige naturelle (100 kg/m³). Cette propriété rend le couvert neigeux plus dense et permet d’assurer dès le départ un support de base optimal aux pistes de glissade qui seront ultérieurement tracées en surface.

Il faut d’abord savoir que la production de neige est très énergivore. Toute installation doit être munie d’une source d’alimentation électrique de 600 volts. Une sortie d’eau pouvant fournir un débit allant jusqu’à 250 gallons par minute (940 litres) doit aussi être disponible de façon constante et ne doit pas perturber les besoins en eau de la municipalité.

En premier lieu, la municipalité ou le gestionnaire du site devra décider si le processus de fabrication sera confié à une firme spécialisée externe ou si ce travail peut être effectué en régie interne. La décision repose notamment sur l’accès aux divers éléments d’un dispositif de fabrication de neige. Un processus d’appel d’offres doit être enclenché pour faire appel à une firme spécialisée ou pour acquérir les pièces d’équipement requis. Dans ce dernier cas, il faudra choisir entre deux types de canons (ou enneigeurs) : monophasé et biphasé (air/eau).

Le canon monophasé est équipé de buses de projection de gouttelettes propulsées par un ventilateur intégré. Ce type d’appareil est surtout apprécié pour sa mobilité et sa grande capacité de production de neige. Il est le choix par excellence pour la plupart des municipalités.

 

Canon monophasé

Source : Claude Nicol 2017

 

Le canon biphasé (de type perche) fait partie d’une installation fixe constituée à la base d’une chambre mécanique abritant toute une panoplie de pompes à eau et de compresseurs à air. Il en est ainsi car un savant mélange d’air et d’eau est acheminé vers chaque unité de production. Des canalisations d’air et d’eau ponctuent donc les tracés des sites à enneiger. Même si la quantité de neige par canon est inférieure à celle que produit l’enneigeur monophasé, l’installation permanente du système, sa distribution uniforme sur le site et la possibilité de contrôle précis des appareils en font un choix privilégié pour les installations importantes comme les stations de ski et les centres de glissade de grande envergure.

 

Canon biphasé

Source : HKD Snowmakers

 

Quel que soit le choix, les étapes du montage des pistes seront sensiblement les mêmes : nous nous attarderons aux préparatifs, à la mise en place et à l’opération de canons de type monophasé, le plus utilisé pour les aires de glissade.

Les principales composantes d’un dispositif de production de neige de culture sont :

  • Canons (ou enneigeurs);
  • Pompes de surpression à eau;
  • Compresseurs d’air;
  • Panneau d’alimentation électrique, conduits (câblage) et connecteurs;
  • Sortie d’alimentation d’eau;
  • Tuyaux d’alimentation d’eau avec adaptateurs et connecteurs;
  • Équipements de transport ou de déplacement des canons;
  • Dameuse;
  • Instruments de mesure variés (météo, neige).

Cette étape doit préférablement se dérouler bien en amont de la mise en marche du système. Toutes les vérifications mécaniques des composantes de l’installation doivent être minutieusement effectuées selon les recommandations des fabricants (mode d’emploi ou manuel d’utilisateur), afin notamment de commander au besoin des pièces de rechange ou de surplus.

De plus, l’état des accessoires doit être conforme aux normes d’homologation s’y rapportant. Par exemple, les tuyaux ne doivent pas présenter de traces d’usure prématurée, qu’il s’agisse du matériau entrant dans la composition même de l’article ou d’éléments de raccordement. Ces mesures préventives sont primordiales, car la procédure de mise en marche au jour J doit être réglée au quart de tour, appelée à se dérouler à l’intérieur du bref délai alloué pour acheminer l’eau au canon sous des températures de congélation.

La présence de surveillants s’avère dans la plupart des cas nécessaire en raison du risque que peut constituer le déploiement d’un dispositif qui amalgame une pression d’eau excessive et une puissance de 600 volts. L’apparition soudaine de tels amas de neige incite aussi à se livrer à des glissades prématurées.

Formation

En début de saison, l’inventaire du matériel et des appareils ayant été effectué, les employés affectés au fonctionnement des canons devront recevoir une formation portant à la fois sur les mesures de santé-sécurité liées aux normes applicables aux installations électriques, aux branchements de l’eau sous haute pression et aux risques rattachés au travail au froid.

L’apprentissage de la procédure de mise en marche des canons devra se faire selon les spécifications et recommandations du manufacturier. Des fiches mémoires rappelant cette procédure devraient être affichées bien à la vue des intervenants.

 

Météo

Même si le point de congélation de l’eau est 0ºC, une température extérieure variant entre 0ºC et -4ºC ne sera pas suffisamment basse pour fabriquer une neige de qualité. En fait, la projection d’eau par les canons ne produira que peu de neige et, au demeurant, celle-ci aura davantage la consistance de la sloche.

Ce phénomène tient à plusieurs facteurs, notamment à la température de l’eau elle-même : si celle-ci provient du réseau d’aqueduc municipal, sa température oscillera probablement entre 4ºC et 7ºC. Une température extérieure de 0ºC à -4ºC n’arrivera que partiellement à retirer la chaleur des gouttelettes de façon à les transformer en granules de glace12. Ces derniers retomberont au sol encore imbibés d’eau.

Une température minimale de l’air ambiant de -5ºC est donc nécessaire pour produire l’effet de congélation attendue. Mais on recommande plutôt -8ºC comme le seuil minimal pour optimiser l’efficacité des canons.

Autre facteur : l’humidité de l’air. La température humide (th) ou température du thermomètre humide fait entrer en relation le degré d’hygrométrie de l’air avec sa température. Ainsi, plus l’air est humide et plus la température réduira le taux d’évaporation des gouttelettes d’eau en suspension. À l’inverse, plus l’air sera sec, plus rapide sera l’évaporation de l’eau en suspension. On remarque alors que la baisse de l’hygrométrie de l’air a comme effet de diminuer la température (dite sèche) de l’air ambiant. Par exemple, à une température donnée de -5ºC, un taux d’humidité relative de 70 % induira une th de -6,31ºC, et un taux de 50 %, une th de -7,21ºC.

Le tableau suivant illustre cette relation :

Source : http://hmf.enseeiht.fr/travaux/bei/beiere/book/export/html/2261

Cela signifie que l’opérateur du canon à neige devra constamment se référer à cette charte tant pour amorcer le départ du canon qu’en cours d’opération, où il sera appelé à modifier les réglages de son appareil en fonction de l’évolution des conditions météo13.

Ainsi, on peut affirmer qu’un bulletin météorologique annonçant des températures maximales de -5ºC au cours de trois journées consécutives sans précipitations significatives14 est un indicateur probant de conditions favorables à une mise en marche des canons.

 

Alimentation en eau

Si l’approvisionnement en eau provient du réseau d’aqueduc de la municipalité, il est important de vérifier avec les autorités compétentes la possibilité d’utiliser le volume d’eau requis pour alimenter les enneigeurs (jusqu’à 800 l/min par canon) pour les trois ou quatre prochains jours. Les grands centres s’alimentent généralement à même des bassins de réserve soit naturels (lac, étang) soit conçus et aménagés à cet effet.

 


[12] La neige de culture est en fait composée de minuscule particules arrondies de glace de 0,2 à 1 mm. Elle a l’apparence de la neige en raison principalement de sa structure polycristalline qui diffuse la lumière réfléchie de la même manière (parties du spectre visible) que la neige naturelle. Association Nationale des Professionnels de la Neige de Culture (ANPNC), Neige naturelle et neige de culture/fabrication et optimisation de neige de culture.

[13] Ces réglages sont constamment réajustés dans un système automatisé. La plupart des installations munies de perches biphasées sont automatisées, mais la plupart des canons monophasés sont « manuels ». Il en existe toutefois des modèles qui présentent des fonctions automatisées de plus en plus sophistiquées.

[14] Des averses de neige peuvent entraver le processus de fabrication en empêchant les gouttelettes projetées de s’élever plus haut dans les airs et de s’y maintenir le plus
longtemps possible en suspension pour y maximiser la perte de chaleur.

Le jour J étant arrivé, les vérifications et demandes d’autorisation ayant été effectuées, le processus de mise en marche des canons peut aller de l’avant. Une dernière consultation des rapports météo ainsi que la lecture des instruments de mesure (thermomètre, hygromètre, charte de température humide) sur place s’imposent toutefois avant de lancer les opérations.

Le déploiement des divers éléments du dispositif de fabrication étant en place, il ne reste qu’à raccorder ceux-ci entre eux à actionner les divers commutateurs et valves. Les premiers réglages sont effectués.

La fabrication de la neige de culture repose sur plusieurs phénomènes physicochimiques. Bien qu’il ne soit pas essentiel de connaître ces phénomènes pour pouvoir opérer un canon à neige, leur étude contribue à hausser l’intérêt et, par le fait même, le niveau de compétence des opérateurs.

En savoir plus sur le processus de fabrication

(voir la page Nivologie : Principes physicochimiques)

Transfert de chaleur
La force de propulsion des gouttelettes dans l’air provoque une perte de chaleur. La chute de pression interne que provoque ce mouvement en est la principale cause. De plus, le contact avec l’air froid accentue le phénomène.

Surfusion
La chute brutale de la température de l’eau de la gouttelette entraîne cette dernière dans un état momentané de surfusion, la faisant passer à plusieurs degrés sous son point de congélation. Cela amplifie sa prédisposition à se solidifier.

Nucléation
Cette amorce de cristallisation est provoquée par un dispositif inhérent à la tête du canon. En effet, de l’air comprimé produisant de très fines gouttelettes est situé à l’intérieur de la zone de projection du jet d’eau principal sortant des buses, disposées à la sortie du canon. Ces très fines gouttelettes gèlent instantanément à leur sortie du canon. Désormais de forme solide, elles agissent comme germes de nucléation, provoquant la réaction en chaîne de cristallisation de l’ensemble du « nuage » ainsi créé.

Cristallisation
Le temps de suspension des gouttelettes dans l’air favorise l’interaction des phénomènes physicochimiques décrits précédemment. Il en résulte un amalgame de petits grains de glace de forme arrondie qui retombent au sol pour y constituer des piles de neige de type humide. Une partie de ces grains arrondis s’entrechoquent en cours de formation, se munissant d’arêtes acérées qui rendent la texture de la neige de culture abrasive.

La masse volumique de la neige, en moyenne de 400 kg/m³, en fait un matériau idéal pour produire un support résistant et solide une fois la neige étalée. Toutefois, les monticules de neige créés par l’action des canons devront rester en place au moins 24 heures (selon leur teneur en eau liquide) de façon à permettre à l’eau présente à l’intérieur de percoler lentement au sol.

La mise en marche des canons implique la vigilance continuelle des préposés affectés à leur fonctionnement. Dans un premier temps, les réglages des dispositifs de contrôle des différentes pièces d’équipement déployées doivent être ajustés en fonction des paramètres énoncés précédemment. Par la suite, le suivi des conditions météo amènera le préposé à modifier ces réglages le cas échéant.

Par exemple, la direction du vent doit être sans cesse observée. Un vent contraire à la direction des jets d’eau aura tôt fait d’enneiger les canons et pourrait entraîner l’arrêt soudain des opérations en raison du gel des buses ou, pire, de la tête de l’enneigeur. Dans le même ordre d’idées, la dispersion de la neige propulsée pourrait se faire en dehors des zones ciblées. De telles situations commandent une réorientation ou l’arrêt des canons sur-le-champ.

La qualité de la neige produite doit être évaluée périodiquement en observant la taille et la forme des granules. Une façon de réaliser rapidement un tel test consiste à se placer sous la nuée de « flocons » et d’observer sur la manche de son manteau la distribution des cristaux. La compression d’une poignée de neige fraîchement tombée révélera sommairement le teneur en humidité de cette neige.

En tout temps, les composantes du dispositif de production doivent être déneigées et, dans certains cas, déglacées. La forte teneur en eau de la neige produite la transforme rapidement en amas de glace et risque d’emprisonner des éléments susceptibles d’être déplacés en raison d’une relocalisation ou du retrait de ceux-ci en fin de parcours.

Le responsable doit évaluer si la quantité de neige produite est suffisante pour pouvoir mettre fin à la production, principalement à partir des données historiques du site. Il est bon de savoir que la quantité de neige produite équivaut à deux fois son volume d’eau. Ainsi, 1 m3 d’eau génère 2 m3 de neige. Que ce soit par calcul de superficie ou de volume, le couvert de neige produit et mis en place par la suite doit être d’un minimum de 30 cm pour assurer la qualité et la pérennité du support des pistes.

À ce stade-ci, l’aire de glissade est ponctuée de monticules de neige disposés selon la dispersion de la neige produite. Une période de percolation de la neige sur le sol réduira sa teneur en eau en raison du gel incomplet des gouttelettes.

Par la suite, le degré de cohésion de la neige ayant atteint un niveau comparable à celui du manteau neigeux en devenir permettra à la dameuse (seul appareil doté de la puissance et de l’agilité requises pour déplacer pareille masse) d’étaler le tout en une surface homogène.

Une attention particulière sera portée aux sections sous-jacentes aux pistes. Quand les métamorphoses à l’intérieur du manteau neigeux seront stabilisées et que la structure offrira un support adéquat, l’aménagement des pistes pourra s’amorcer.

Il s’agit là de l’étape finale du processus de montage. Cette neige fraîchement travaillée sera facile à étaler et surtout à niveler. L’aménagement de couloirs se fera concurremment à cette opération de régalage.