Pierre angulaire de toute activité de plein air, la sécurité occupe la majeure partie des énergies dévolues à la gestion d’une pente de glissade. Elle s’articule principalement autour de trois pôles3 :

  1. Le design et l’aménagement de l’aire de glissade
  2. La gestion et l’entretien du site
  3. La réglementation visant à encadrer les comportements des usagers

Tout cela s’inscrit dans une approche de gestion des risques qui repose d’abord sur une analyse de ces risques à des fins de prévention et de préparation à des interventions en cas d’accident.

Les constats suivant se dégagent d’une étude4 effectuée auprès d’approximativement 100 hôpitaux américains. Cette étude a analysé les cas de 220 000 personnes qui s’y sont présentées aux urgences à la suite d’une activité de glissade de 2008 à 2017 :

  • Les blessures des jeunes (âgés de 19 ans ou moins) représentaient près de 70 % du total;
  • Les jeunes ont ainsi sept fois plus de probabilités de se présenter aux urgences que les adultes;
  • Les taux de blessures en glissade ont diminué de 52,5 % de façon significative entre 2008 et 2017;
  • Dans plus de 90 % des cas (95,8 % des jeunes et 93,2 % des adultes), les patients n’ont pas été hospitalisés;
  • Les collisions représentaient 63 % des causes de blessures;
  • 47 % des victimes ont heurté un objet dans leur environnement;
  • Les blessures à la tête comptaient pour 34 % du total et les enfants en étaient affligés dans une proportion de 81 %;
  • Le quart des blessures étaient des fractures (23,9 % des jeunes et 27,4 % des adultes);
  • Des commotions cérébrales ont été diagnostiquées chez 16 % des jeunes 10 % des adultes.

La raison principale de la gravité des blessures réside dans le fait que la glissade en tant qu’activité récréative se pratique généralement sans casque de protection, contrairement aux sports de glisse, comme le ski ou la planche, où cette pièce de protection est obligatoire.

Le début de l’hiver 2020-2021 présente des caractéristiques qui illustrent bien les conséquences malheureuses de mauvaises conditions sur la pratique de la glissade. Des hôpitaux de la région de Montréal ont fait état d’un nombre d’accidents de luge plus élevé qu’à des périodes similaires les années précédentes5. Il faut dire que ce phénomène a d’ailleurs été influencé par l’augmentation importante de la fréquentation des activités de plein air en situation de la COVID.

C’est surtout que la faible quantité de neige tombée jusqu’à ce moment n’avait pas permis l’établissement d’un couvert de fond suffisamment épais pour assurer le coussin nécessaire à la pratique de l’activité en toute sécurité. Des surfaces glacées sont apparues de façon systématique sur les pistes de glissade, ce qui augmentait les vitesses de descente.

Revenons à nos trois pôles de la sécurité de la glissade.


[3] Table de mode de vie physiquement actif (TMVPA), La sécurité bien dosée, une question d’équilibre, matrice Dimension objective : enjeux de sécurité réels, p. 18.
[4] Evans, Kris H C., McAdams, Rebecca J., Roberts Kristin J., McKenzie, Lara B. “Sledding-Related Injuries Among Children and Adults Treated in US Emergency Departments
From 2008 to 2017”, Clinical Journal of Sports Medicine, Medical X Press, édition du 16 décembre 2020.
[5] « Beaucoup de blessures liées à la glissade en luge », Radio-Canada, 10 janvier 2021.

Un design sécuritaire a pour effet de réduire au minimum le risque de collision avec des obstacles et d’autres usagers. Concrètement, cela signifie un degré d’inclinaison et une géométrie de pente qui assure une vitesse de descente contrôlée et une distance de ralentissement suffisante jusqu’à l’arrêt au pied de la pente.

Des espaces de dégagement suffisants pour permettre l’évacuation rapide des glisseurs en fin de course et un corridor de remontée séparé des zones de descente réduisent aussi les risques de collision entre utilisateurs.

Le parcours doit être dénué de tout obstacle physique sur toute sa longueur.

La sécurité passe par la qualité constante de l’entretien du site.

  • Si la surface est trop glacée et ne permet pas aux pratiquants de glisser à la vitesse et avec le contrôle souhaité, il est important de fermer l’accès au site.
  • Si des obstacles encombrent la piste, il importe de les retirer.
  • Si les éléments de signalisation sont abîmés, il faut remédier à la situation le plus vite possible.

La gestion et l’entretien d’une aire de glissade ne s’improvisent pas. Il faut se préparer avant l’ouverture du site. Des fiches techniques facilitent et systématisent les procédures d’inspection et d’intervention. Il est primordial que les données contenues dans ces fiches soient communiquées aux différentes équipes de travail.

Les données relatives aux incidents survenus sur le site (rapports d’accident, photos, communications internes et externes) doivent être disponibles pendant au moins trois ans. Elles pourraient s’avérer précieuses en cas de poursuite ou pourraient servir à prévenir d’autres incidents.

Dans la mesure du possible, il est souhaitable de fixer la capacité d’accueil du site et de prendre des mesures pour que cette capacité ne soit pas dépassée : affichage bien en vue, surveillance, intervention informative en cas de surcapacité ou même contrôle des accès, etc.

Plus les usagers sont nombreux, plus les risques d’accident sont élevés. De là l’importance d’évaluer la capacité d’accueil. La méthode de calcul suivante n’est pas scientifique, mais donne une bonne idée du nombre maximum de glisseurs qu’un plateau de départ pourrait accueillir dans une perspective de réduction minimale des risques. Cette méthode tient compte de la superficie du plateau de départ et de l’espace requis par personne (distanciation). Pour évaluer la capacité de l’ensemble du site, il faut tenir compte aussi du temps d’attente pour glisser à son tour, du temps d’attente pour remonter et des possibilités de stationnement.

Calcul « maison » du nombre maximum
de personnes sur un plateau de départ

Exemple d’une surface de plateau
de départ de 4 pi x 12 pi, soit = 48 pi2

On estime l’espace requis par personne
à 2 pi2, incluant l’engin de glissade.
Donc, 48 ÷ 2 = 24 personnes

Abaisser à un multiple de cinq, car on
présume qu’il y aura quelques parents
pour accompagner les enfants.

Donc, 20 personnes au maximum

Il est plus facile d’établir la capacité d’accueil si le site a déjà servi d’aire de glissade et que l’on dispose de certaines données, comme les courbes de fréquentation, les plaintes des usagers et les rapports d’accident ou d’incident.

De manière plus générale, toute aire de glissade devrait être considérée comme tout autre espace public et faire l’objet de mesures de sécurité similaires.

La réglementation sert à réduire au minimum les risques d’incidents. Elle a aussi un côté pédagogique : elle doit permettre aux utilisateurs de comprendre les risques auxquels ils s’exposent s’ils ne la respectent pas. La réglementation fait partie des bonnes pratiques du propriétaire de l’aire de glissade, découlant de sa responsabilité civile selon la loi.

La réglementation devrait inclure :

a) Des recommandations ou des directives sur les équipements et leur usage

  • Le port du casque de sécurité, de type hivernal (même qu’en ski alpin), n’est pas obligatoire, mais il devrait être fortement recommandé pour les enfants.
  • L’usage de certains appareils de glissade défectueux ou présentant des objets en saillie pouvant aggraver les blessures lors d’une collision peut être prohibé.
  • Certaines consignes sur l’usage des appareils peuvent s’avérer déterminantes, par exemple le nombre d’occupants d’un même appareil et la position sur cet appareil.
  • On pourrait aller jusqu’à interdire de glisser tête première en raison du risque accru de blessures à la tête.

b) Des consignes de circulation dans l’aire de glissade

  • Délais entre les départs.
  • Dégagement vers les zones de circulation au pied de la pente.
  • Obligation d’emprunter le corridor de remontée.

c) Des consignes portant sur les attitudes envers les autres glisseurs contenues dans un code de conduite

Le Code de conduite devrait être diffusé le plus largement possible :

  • Promotion et diffusion au moyen d’affiches sur le site.
  • Publication dans les médias de la municipalité.
  • Affichage dans les écoles et les services de garde dont les enfants utilisent l’aire de glissade municipale.
  • Session d’information et de sensibilisation où la présentation du Code de conduite. s’accompagne d’informations sur les blessures possibles et les façons de les prévenir.

Une réglementation bien promue, donc bien visible, contribue grandement à assurer la sécurité. Non seulement aide-t-elle à prévenir les accidents, mais elle procure aussi aux usagers un sentiment de sécurité. Se sentant en sécurité, chaque famille pourra profiter au maximum et avec le plus grand plaisir de son expérience de loisir.

Qu’en est-il des aires de glissade non régies ou non reconnues par la municipalité?
Celle-ci doit s’assurer que les mesures d’interdiction de  glisser sur un site jugé à risque soient bien signifiées. Il est recommandé de faire une inspection régulière de ces lieux et de vérifier l’état de la signalisation à tous les accès. La fermeture de tels sites doit être soutenue et signifiée tout au long de la saison hivernale. Voici un exemple de pictogramme :

La question de la responsabilité civile est un enjeu crucial. La glissade, même avec toutes les précautions, est une activité à risque, qui exige un cadre de gestion du risque. Les autorités municipales qui gèrent les aires de glissade publiques, tout autant que les autres intervenants dans cette activité (utilisateurs, accompagnateurs, parents, établissements scolaires, services de garde, etc.) ne peuvent ignorer ce qu’est la responsabilité civile.

Toute personne et toute organisation ont une responsabilité civile, c’est-à-dire « le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à nous, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui » (art. 1457, Code civil du Québec). En d’autres mots, la responsabilité civile naît d’un préjudice causé volontairement ou involontairement par un individu ou une organisation, et permet de demander une réparation de la faute par une compensation. Cette responsabilité civile résulte d’un manquement à un devoir, de la violation d’une norme ou du non-respect d’un contrat (responsabilité contractuelle).

La municipalité, dans le domaine du loisir et du sport, se trouve particulièrement interpellée en matière de responsabilité civile du fait qu’elle offre des espaces publics, des infrastructures et des aménagements pour la pratique des activités, libres ou encadrées.

Selon le Barreau du Québec, il y a responsabilité civile quand :

  1. La personne est capable de discerner le bien du mal (être doué de raison);
  2. Il y a eu « faute »;
  3. Un dommage résulte des actes ou omissions de la personne;
  4. Il existe un lien de « causalité » entre la faute commise par la personne et le dommage subi.

C’est ainsi qu’un citoyen peut intenter une poursuite contre une association locale ou une municipalité pour une blessure qui résulterait du mauvais entretien d’une infrastructure ou de l’utilisation inadéquate d’un équipement lors d’une activité. La bonne connaissance et le respect des normes diminuent le risque de poursuites contre les services municipaux de loisir, tout en réduisant les possibilités d’accidents malheureux.

Il importe de comprendre que la municipalité n’a pas le devoir d’éviter l’ensemble des accidents de nature récréosportive sur son territoire. Elle a plutôt un devoir de prévisibilité raisonnable. Les municipalités ont une obligation de moyen et non de résultat, c’est à dire qu’elles doivent prendre tous les moyens raisonnables pour éviter les accidents.

Pour plusieurs municipalités, le fait qu’un organisme soit sans but lucratif (donc une personne morale) et qu’il détienne une police d’assurance responsabilité civile est un préalable de leur politique de reconnaissance. Ces polices protègent les administrateurs et les autres bénévoles impliqués contre certaines poursuites éventuelles. Certaines municipalités vont même jusqu’à rembourser ou offrir elles-mêmes cette police.

De fait, c’est en tant que propriétaire et exploitant d’installations sportives que la municipalité est assujettie à la responsabilité civile. « L’exploitant ou le propriétaire d’installations sportives a l’obligation d’agir de manière responsable pour assurer la sécurité des personnes qui fréquentent son établissement. Il doit, en quelque sorte, prendre les moyens nécessaires pour contrer les dangers prévisibles et évitables :

  • ses installations doivent rencontrer les normes de sécurité qui s’appliquent au type d’établissement (il ne peut, par exemple, aménager des estrades non conformes aux normes de sécurité afin de sauver des coûts);
  • ses installations doivent être exemptes de piège7.

Le propriétaire a donc la responsabilité de la sécurité du public sur son terrain. C’est pourquoi il doit mettre en place tous les moyens raisonnables et nécessaires pour prévenir les situations où un préjudice pourrait être causé à autrui.

Il est primordial que les municipalités communiquent avec leur assureur pour faire ajouter la glissade à leur contrat. Les aires de glissade devraient apparaître dans la police d’assurance au même titre que tout autre équipement ou installation de sport ou de loisir en ce qui a trait à la responsabilité civile.


[6] Ce texte est tiré principalement de Responsabilité civile, ministère de l’Éducation et ministère de l’Enseignement supérieur.
[7] Educaloi, Accidents sportifs : savoir qui est responsable.